Written by Jean-Simon Bombardier. This article is my 3rd oldest. It is 1544 words long.
Un matin de trop
Le matin naissait et mes rêves s'évaporaient, emportés par la nuit qui se dissipait dans l'aurore. C'était un matin semblable à celui d'hier et fort probablement prophète de celui de demain. J'embarquai machinalement dans cette valse matinale dont les pas me conduisaient au cœur de mon quotidien. Premier saut dans cette routine, la douche. J'y camperais pour l'éternité, mais j'y restai sept minutes. La pluie cessa, vint le beau temps. Je m'essuyai une fenêtre dans le miroir, puis le défilé défila. De fil en aiguille, je me tissai cette seconde peau, omettant volontairement de serrer ma cravate et de revêtir mon veston. Je nouai les lacets de mes espadrilles et me dirigeai vers la cuisine.
Je me fis un café, puis remplis l'arrosoir, c'était mardi. Le traditionnel journal de papier n'était plus de cette danse, je m'abreuvais dorénavant des états d'âmes d'un animateur. Du soleil pour les trois prochains jours, la mort sévie, pourquoi moi? L'afflux incessant de ces tragédies court-circuita mon cerveau, ma vision se troubla. Je ne savais qui croire, heureusement vint une pause. Cette mascarade stimulant la vertu de mon nécessaire recentra mon intellect.
Toute bonne chose connaît sa fin, le bal finit. Minuit sonnait et le beau prince n'était plus qu'un boutonneux crapaud. L'animateur du téléjournal, au chant aigre et au pelage banal, s'attira mon antipathie. J'empoignai mon revolver qui était sur la table et lui mis une balle entre les deux yeux. Mon téléviseur vola en éclat. Je terminai mon café, attrapai mon veston sur la chaise et allai travailler. Dans la voiture, le temps était bon et comme prévu, le soleil rayonnait. Je roulais vivement, dépassais aisément tous ces oisifs, ces chercheurs de temps. Arrivé au travail, je saluai mes confrères associés, rassemblés près de la machine à café. Les anecdotes intimes fusaient, mélange de rêves et de déceptions, d'envies jamais menées à terme et mutées en frustrations. J'étais dépouillé de leurs soucis, je voyageais léger. Je gagnai mon bureau, posa mon café sur une table. L'immense fenêtre offrait à mes yeux un grandiose clin d'œil sur la ville, des immeubles jusqu'aux parcs. Les gens tout en bas étaient si petits. C'était un magnifique bureau. Je regardai dans l'immense miroir et aperçu mon reflet, c'était un bureau divin. J'attrapai l'arrosoir et imbiba la terre des trois pots de fleurs près de la grande fenêtre. Sur mon bureau, l'épaisse pile de dossiers n'avait guère fondu comme elle se devait. Le soleil devait pourtant être au rendez-vous. Je propulsai violemment ma tasse de café à la face du mur. L'impact lui dessina une cicatrice noyée dans un liquide brunâtre. Au bruit de l'impact succéda le claquement de ma porte, ma secrétaire entra, le souffle court. Elle s'excusa de n'avoir eu le temps de terminer tous ces dossiers, d'avoir failli à sa tâche. Elle prétexta une maladie, jongla de milles excuses, je dégainai mon revolver et lui mis du plomb dans la tête.
J'allai me chercher un autre café puis commençai à abattre ces dossiers. J'en abattu plusieurs avant de devoir multiplier mon travail au photocopieur. Arrivé à son chevet, je le nourris de directives et de consignes. Il ne voulait rien assimilé, aucune collaboration, que le silence en réponse à mes commandements. Je m'impatientai et je le trouai comme un fromage suisse. Tout ce boulot accomplit avait fait ombrage sur les heures qui passaient, c'était celle du dîner. J'attrapai mon veston et marchai par habitude pour ce petit restaurant exotique à deux coins de rue. Alors que mes pas franchissaient le premier, un vieil homme m'implora de contribuer monétairement à sa pitance. J'enfouis ma main dans ma poche de veston et lui lançai quelques pièces
A l'orée du second coin de rue, un jeune homme tenta sa chance où le vieil homme connut du succès. Ma main interrogea à nouveau ma poche de veston, le jeune homme sourit. Elle en sortit mon revolver, le jeune homme grimaça. Je lui fis un troisième œil.
Au restaurant, je posai mon veston sur la chaise à ma droite. Cette grande table face à l'entrée, près des plantes, était mienne. L'expérience culinaire exulta, une fois de plus, tous mes sens. Je payai, remis mon veston et quittai le restaurant en offrant mes sincères salutations à cette jeune hôtesse. Dans la rue, des couleurs différentes, un fraîche brise, des milliers de parfum, c'était l'automne agréable.
En arrivant au bureau, le jeune homme venu installé le nouveau photocopieur s'affairait. Il était furieux, car j'arrivais avec trente minutes de retard. Ne voulant laisser ce jeune homme indigeste entraver mon processus post-ingurgitation, je sortis mon revolver, il avait déjà le sien en main. Il tira en ma direction, je me jetai derrière un mur. Mes balles effleuraient sa gigantesque chevelure, il ripostait d'une main désespérée. Une accalmie me permis de recharger mon revolver. Puis le bruit d'un coup de feu et le rire victorieux avait quelque chose de familier. Je me retournai et regardai sans bruit. C'était mon collègue qui, ennuyé par le bruit, avait décidé d'empoigner les choses. Il avait descendu le jeune homme du photocopieur. Une fois redressé, je lui lançai un viril hochement de tête, pris un café et m'en retournai à mes dossiers.
À l'heure de la pause, j'allai me chercher un café et pris un beigne du matin. L'après-midi progressa à bon rythme, tout comme ces dossiers qui diminuaient. Entre deux gorgées de café, le silence fut fracassé par la conjugaison de coups de feux et de ce cri moins victorieux qui m'était familier. Je me retournai et regardai sans bruit, c'était mon collègue qui se faisait tirer par un jeune livreur de courrier. Ma main cueillit mon revolver et lui tira trois balles dans le dos. Mon collègue sortit de sa tanière et me fit, à sa façon moins virile, les mêmes distorsions faciales que je lui envoyai plutôt. En rechargeant mon revolver, ma satisfaction se trouva rassasiée d'avoir abattu tout ce boulot, la journée était terminée. J'enfilai mon veston, me regardai dans le grand miroir et quittai pour demain. Près de la machine à café, mon confrère racontait de façon mensongère les péripéties de la journée, faisant de lui un héros et de moi, l'ombre d'une fierté. Je continuai mon chemin, descendis les escaliers et arrivai dans le stationnement souterrain où nichait ma voiture. Debout dans la noirceur de l'endroit, j'écoutais le silence depuis un moment. Le vent porta ce sifflement qui m'était familier. Je me retournai et regardai sans bruit, c'était mon collègue. Je sorti de l'ombre, appuyai le canon de mon revolver contre son front avant d'enfoncer la gâchette.
Cette distraction avait kidnappé un temps que j'avais voué à autre tâche. Je sautai dans ma voiture. La barrière du stationnement ne voulait encaisser mon coupon. Présenté sous tous les angles, avec délicatesse et toujours elle me le recrachait. Machinalement, j'insultai son incompétence, puis sorti mon revolver et tirai deux balles dans la tête de cette machine sans cervelle. La barrière se leva. Mon retard était à se point négligeant que j'eus la crainte de me faire trouer la peau à l'arrivée. Ma maîtresse avait un dur caractère, un caractère de maîtresse. Devant sa demeure, la peur d'y trouver la mort me fit crinquer mon revolver. Je lui fis boire de nombreuses éloges, elle s'enivra de mes beaux mots. C'était une bonne maîtresse, elle ne m'aurait jamais tiré.
Je la quittai en prenant bien soin de la gaver de promesses, n'ayant guère envie d'une balle dans le dos. Dans la voiture, je baissai la fenêtre et fit valser ma main dans le vent. C'était un doux soir, le souffle des passants paraissait si léger.
Arrivé à la maison, la voiture de mon ami Benito était près de celle de ma femme. J'étais heureux de le savoir en ville, il s'était écoulé plusieurs saisons sans que je puisse lui serrer la pince. Mon enthousiasme me précédait. Dans l'antre de la porte, mon excitation se changea en atroces crampes abdominales. Mon ami Benito se délectait de ma femme, sur ma table. La vengeance faisait frémir mon épiderme. J'attrapai mon revolver et tirai une balle à la hanche de ma femme et atteignis mon ami Benito au ventre. Elle gisait sur la table, lui était étendu sur le sol. Je m'approchai et leur mis deux balles dans le visage, elle en premier et lui ensuite. Épuisé par ma journée, j'allai me coucher.
Le sommeil fut bon, si bon qu'au matin, je crus retrouver mes vingt ans. Le soleil se pavanait pour deux jours encore. C'était un matin semblable à celui d'hier et fort probablement prophète de celui de demain. J'embarquai machinalement dans cette valse matinale, dont les pas me conduisaient au cœur mon quotidien. Premier saut dans cette routine, la douche. J'y camperais pour l'éternité, j'y restai sept minutes, la pluie cessa, vint le beau temps.
Je m'essuyai une fenêtre dans le miroir, puis le défilé défila. De fil en aiguille, je me tissai cette seconde peau, omettant volontairement de serrer ma cravate et de revêtir mon veston. Je nouai les lacets de mes espadrilles et me dirigea vers la cuisine. Je me fis un café. Dans le corridor, un homme surgit, C'était l'animateur antipathique du téléjournal matinal. Je n'avais pas mon revolver. Il pointa le sien en ma direction et fit feu.