Written by Jean-Simon Bombardier. This article is my 2nd oldest. It is 1980 words long.
Les anges noirs
La première fois que j'aperçus une femme dormir, je ne pouvais savoir que tous les anges n'étaient pas blancs. J'avais sept ans, c'était un trente et un. Une urgente envie d'uriner avait interrompu un magnifique rêve; il était 1 h 34. La salle de bain se trouvait à l'autre extrémité du sombre corridor, un chemin machinalement marché. De retour à ma chambre, la machine fit défaut à mi-chemin. Dans l'antre de la porte de droite, un faisceau blanchâtre perçait le voilage de la fenêtre. Un pétale de lune caressait le visage endormi de ma mère. Effleurant la limite de la décence, bercé par mon innocence, j'appuyai mon visage contre le cadrage de la porte. J'observai ce portrait pendant une seconde, un monde, une éternité, un soupir. Son épaisse chevelure noire qui parsemait ses épaules, son pied droit dénudé à l'extrémité du lit et la douceur de son visage. Cette divine beauté valsait dans la paume de cette blancheur immaculée. J'étais obnubilé par cet ange qui dansait en silence. L'ange m'invita à le suivre, je posai tout mon corps contre le cadrage de la porte. Mon esprit immortalisa cette vision un dernier temps. De retour dans mon lit, je dormis à merveille, si bien qu'au matin, la frontière entre le doux rêve et l'étrange réalité était fortement embrouillée.
C'était mon dixième Noël. Lors des derniers jours, la maison avait été constamment bondée de gens. On y venait, y restait pour dîner, pour souper, pour coucher et parfois même pour les trois. Ma mère adorait voir ainsi sa maison fourmiller. Une nuit parmi ces nuits, celle du vingt-huit, Noël s'est présenté avec trois jours de retard. Ne trouvant pas le sommeil et ne le cherchant guère non plus, jamais nous nous sommes rencontrés. L'excitation créée par mes nouveaux divertissements trucidait toute envie de me jeter dans les bras de Morphée. J'empruntai le long corridor, une guirlande de lumières vertes et rouges le serpentait, chassant ainsi sa pénombre habituelle. Hypnotisé par mon excitation, je progressais sans distraction, ne perdant jamais mon objectif, le salon. J'y arrivai rapidement. Sur le sofa l'inattendu m'y attendait. Enroulé dans une couverture de laine, ma cousine avait trouvé le sommeil, elle était sur le sofa. Elle était de quatre ou cinq ans mon aînée, une jeune fille suffisamment naïve pour croire qu'elle était expérimentée. Mes yeux se sont rivés sur elle avec une ferveur religieuse. Son corps était habillé du reflet des centaines de lumières multicolores qui rayonnaient dans la pièce. Son visage était le miroir de l'ange au sommet de l'arbre. Sans bruits, je m'approchai d'elle jusqu'à sentir son souffle. Je l'observai un moment, ressenti l'envie d'être sa couverture, de toucher sa peau, de goûter son souffle. Je plaçai ma main droite près de sa bouche, son souffle caressait mes doigts que je portais à ma bouche pour les sucer. Sa chair semblait si douce, je m'y serais baigné pour la vie. Je me déplaçai de deux pas à ma droite et m'accroupis à demi. Sa camisole rose bonbon laissait apercevoir l'arc supérieur de ses seins. Désorienté par cette vision, je m'y perdis un court moment, un bon moment. Dans un mouvement inattendu, elle se retourna violemment sur le côté, mon souffle s'arrêta. Elle dormait encore, mon souffle reprit. Je me redressai et aperçu la courbe de sa croupe dans une petite culotte bleu azur. Un ange avec de bien jolies fesses. Je la regardai le temps de quelques battements de cœur et m'en retournai à ma chambre. Ce fut la première fois que je me masturbais, il était 2h12.
C'était une soirée d'automne, j'avais dix-sept ans. La chance me souria, la plus belle jeune femme du bal accepta de valser l'entière soirée à mon bras. Ses courts cheveux dénudaient sa nuque ornée d'une boucle qui nouait les seuls remparts de sa robe, noire comme un ciel sans lune. Elle portait à ses cheveux un mouchoir de dentelle blanc. Son sourire illuminait les yeux, enflammait même les plus désespérés. Les rythmes favorisaient la symbiose mais saoulés de passion, quelques accolades n'étaient plus suffisantes. Elle demeurait au 307. Dans l'escalier, le balancier de son fessier m'hypnotisait. Dans son lit, je me suis noyé dans l'espace de ces yeux pour animer son désir de me réanimer. Je voguais sur une magnifique vague, puis la mer s'est faite chaire et alors, je me suis échoué. D'un soupir elle laissa s'échapper sa déception puis se retourna. Les yeux rivés au plafond, j'affichais un large sourire. Mon excitation croissait avec les minutes qui passaient, car elles m'approchaient du moment où elle allait dormir.
J'avais dix-neuf ans. Aujourd'hui était une importante journée pour mon père. Nous étions le quatorze et pour cette occasion, le port de la cravate était exigé. Tout devait être parfait, une journée parfaite pour les quatre-dix ans de sa mère, ma grand-mère. Une journée parfaite n'en ferait pas une année. Grand-mère nous recevais à sa résidence La Dernière Étape. Les convives arrivaient en retard, on ne se pressait guère pour franchir les portes de La Dernière Étape. Ils entrèrent peu à peu, je fermais la marche de cette armée de condamnés. Dans les corridors, une drôle de puanteur était perceptible. C'était ce parfum âcre que les vieux livres nous tousse au visage en les ouvrant. Nous sommes arrivés au 203. L'appartement de trop petite taille ne pouvait contenir toute cette joie. Je restai à l'extérieur sans grande peine. Les cris stridents de mon estomac ont fini par réveiller mon cerveau qui ouvrit mon appétit. Deux petits corridors à gauche et mon port se trouvait au bout du long couloir. Dévalant sans presse, j'eus le cœur troué par cette sensation de tristesse que je reconnaissais. J'avais cette impression d'être debout dans un champ par une froide après-midi du mois de novembre. On est le 18 novembre, il est 16 h 31 et en ce temps, la nuit chasse le jour. Je pris un beigne à l`érable, un lait au chocolat et des gommes à la cannelle. Je m'assis seul à une grande table et pris une gomme. Toute cette mort qui me regardait me coupa l'appétit. Je quittai à bon pas la cafétéria et trouvai une poubelle à l'entrée d'une chambre pour y jeter mon beigne. Dans la chambre, sur le lit au fond, une vieille femme était couchée sur le dos. Elle se reposait comme l'on se repose pour la dernière fois. Je m'approchai, voulant m'assurer qu'elle n'avait pas tout perdu. Le poids de son vieil âge pesait si lourd sur sa cage thoracique que l'effort de son souffle était perceptible à l'oreille nue. Je me sentis soulagé, puis je me sentis excité. J'étais excité. Son corps ne m'excitait guère, mais j'étais encore plus excité qu'avec des filles au corps excitant. Je posai mon lait au chocolat sur la petite table, m'assis dans son fauteuil roulant et répondis à mes pulsions.
Les bourgeons naissaient lorsqu'une des amies de ma mère tomba gravement malade, j'avais vingt-deux ans. Elle avait hérité d'un très grave cancer et cette journée, ma mère décida que je me devais de l'accompagner. Je n'avais pas envie d'y aller. Nous sommes arrivé à l'hôpital trente-deux minutes plus tard; il était 14 h 47. Une dame derrière un comptoir nous indiqua le numéro de la chambre alors qu'un homme avec un balai nous pointa comment s'y rendre. Arrivé à sa chambre, ma mère manifesta son désir d'y pénétrer seule. Je trouvai refuge sur une chaise, sous un gigantesque palmier en plastique. Seul absent au décor, le soleil. Heureusement, je sortis ma carte et souris. La vieille horloge, jaunie par de longues années de loyaux services, indiquait fidèlement 15 h 53. Épuisé d'être assis, je me lançai dans ce labyrinthe de façon aléatoire sans me soucier de mon itinéraire. Les premiers corridors étaient déserts, étrangement, ils sentaient la mort. Trois étages plus bas, dans le long corridor, il y avait une horde de civières toutes habitées. On y gémissait, s'y plaignait, patientait, quelques-uns y dormaient. Deux étages encore et le calme était de retour. Au bout d'un corridor, une porte différente des autres, je la poussai. Devant moi, sous une intense lumière blanche, une femme reposait sur une table en métal. Je regardai autour de moi, mes soupçons trouvèrent fondements, c'était la morgue. Je m'approchai au chevet de la femme. Ma main gauche, tremblante comme un jeune premier, se posa sur son ventre. Je glissai mes doigts le long de ses côtes pour aboutir sur son sein droit, au-dessus de son cœur. Ma main droite se rua dans mon pantalon. Après ce court, mais fort agréable moment, je repris le chemin qui m'avait rapproché de la mort.
Je venais de célébrer mon vingt-cinquième anniversaire avec des amis dans un établissement de loisirs nocturnes. En rentrant chez moi, je remarquai un message laissé par ma mère. Son amie devait recevoir un traitement vendredi soir prochain et ce, jusqu'au samedi midi qui suivait. Ma mère lui avait assuré que je serais enchanté de prendre soin de ses deux petites filles en son absence. On m'assurait qu'elles étaient de véritables petits anges. Au matin, je confirmai à ma mère mon sincère désir d'aller veiller ces deux petits anges. Elle se réjouit de me savoir si gentilhomme, cela faisait d'elle une si bonne mère. Nous étions mardi.
Le soir, je marchais dans cette sombre ruelle bordée d'ordures et de rêves fracassés. Un vieux matou chassait de son territoire un jeune chat élégant. Les chattes suivirent le jeune chat élégant malgré qu'il fût le perdant. Les temps ont bien changé. Par une fenêtre, j'aperçus une douce lueur blanchâtre, un clin d'œil angélique dans la nuit. Je gravis une clôture et traversai un petit jardin sans jamais perdre des yeux cette lueur, mon phare. Je posai les mains contre la fenêtre, puis collai mon torse et pris de profonds battements de cœur. Le vent se leva. La troisième fenêtre était entrouverte, je l'ouvris complètement et m'y glissai, excité comme si les rêves pouvaient survivent à la nuit. Tout était si sombre, heureusement, mon phare me guidait toujours, dernière chambre à droite. Les murs du couloir étaient tapissés de portraits et de photos. Je m'arrêtai un moment, qui était-elle ? Excité à l'idée d'enfin la rencontrer, je me précipitai doucement jusqu'à sa chambre. Le téléviseur toujours en fonction, faisait naître cette lueur qui arrosait de blanc son petit visage. Je l'observai un moment. Ses cheveux noirs se perdaient dans le rouge des draps. Je m'approchai sans bruit, ne voulant guère l'éveiller et ainsi assassiner toute cette excitation. Sur une chaise, ma main ramassa sa petite culotte. Je glissai mes mains dans le plus grand des orifices et fis des cercles, fantasmant sa taille. Ma main gauche lança finalement la culotte et je portai la droite dans mon pantalon. La femme reposait sur le ventre, un drap rouge sciait son corps en deux, me dénudant son dos, ma terre d'accueil. Je m'approchai et agrippai de ma main libre le rebord du drap afin de la dénuder entièrement. Une brise d'été valsait dans la chambre. C'était un merveilleux bal. La femme se mit soudainement à hurler, un cri de mort. Surpris, je l'observai un instant, ces cordes vocales ne cessaient de vibrer toujours plus fort. Je lâchai le drap, renversai la table, sautai par la fenêtre et enjamba en trois pas le jardin. Arrivé à la clôture, dans mon ascension, mon pied se perdit et je tombai ventre premier sur des pieux de la clôture. Le sang jaillissait de partout, mon corps était lourd, je n'entendais plus rien, mes dernières respirations étaient trop bruyantes. Un homme s'approcha de moi, peut-être me restait-il encore des jours de vie ? L'homme passa sa main devant mes yeux, me savoir en vie sembla le réjouir. Il s'approcha, ouvrit son manteau et porta sa main dans son pantalon. Je baissai les yeux et senti mon dernier soupir être avaler par le sien.